Très Chers Ânes, libres et égaux,
Sous l’impulsion de Bonaparte, l’expédition d’Egypte fut à l’origine de nombreuses avancées scientifiques. Gaspard Monge présenta un certain nombre de ses travaux devant l’Institut d’Egypte mais le plus fameux de ses mémoires reste son " Mémoire Sur le phénomène d’optique, connu sous le nom de Mirage " qu’il défendit devant ses confrères le 28 août 1798, un mois à peine après la marche éprouvante d’Alexandrie jusqu’au Caire.
Voici le rapport qu’en donnèrent les Procès-Verbaux des séances de l’Institut des Sciences et des Arts d’Égypte (Séance du 11 fructidor anVI - 28 août 1798) :
" Le citoyen Monge a lu un mémoire sur le phénomène optique appelé mirage par les marins. A la mer il arrive souvent qu’un navire, aperçu de loin, paraît tout à fait dessiné dans le ciel et n’être point supporté par l’eau. Un effet analogue a frappé tous les Français pendant la marche de l’armée à travers le désert. Les villages aperçus dans le lointain paraissaient bâtis sur une île au milieu d’un lac. A mesure qu’on en approchait, la surface apparente d’eau se rétrécissait; lorsqu’on était plus qu’à une petite distance, elle disparaissait, et l’illusion recommençait pour le village qui suivait celui où elle venait d’être détruite.
Le citoyen Monge attribue cet effet à la diminution de densité de la couche inférieure de l’atmosphère. Cette diminution dans le désert est produite par l’augmentation de température, qui est le résultat de la chaleur communiquée par le soleil aux sables avec lesquels cette couche est en contact immédiat. A la mer elle a lieu lorsque, par des circonstances particulières, telles que l’action des vents, la couche inférieure de l’atmosphère tient en dissolution une plus grande quantité d’eau que les autres couches. Dans cet état de choses les rayons de lumière qui viennent des parties basses du ciel étant arrivés à la surface qui sépare la couche la moins dense de celles qui sont au-dessus, ne pénètrent pas dans cette couche ; ils sont réfléchis, et vont peindre dans l’oeil de l’observateur l’image du ciel. L’observateur croit alors voir une partie du ciel au dessous de l’horizon : c’est cette partie qu’il prend pour de l’eau lorsque le phénomène a lieu à terre. Si on est à la mer, on croit voir dans le ciel tous les objets qui flottent sur la partie de la surface occupée par l’image du ciel. "
Il faut savoir qu’il s’agit ici de la première explication scientifique satisfaisante du phénomène. Les calculs postérieurs des physiciens du XIXe siècle ont parfaitement validé les conceptions de Monge.
Ses observations sont d’autant plus admirables que pour les faire Monge n’a pas eu la possibilité de s’aider d’instruments. C’est lors de la marche entre Alexandrie et le Caire, au sein d’une armée abandonnée sur un territoire ennemi et hostile, que notre " Egyptien " joua avec les lois de la nature.
Ânalphabète